L'Institut de la Durée fondé en 1982 à Genève, est une organisation qui vit de la recherche sous contrat (études, séminaires, ateliers et conférences), c'est-à-dire de la vente des connaissances de ses chercheurs et de leur temps. Les chercheurs de l'Institut travaillent en groupe ou individuellement en tant que consultants pour entreprises, autorités gouvernementales et universités. Nous formons également des groupes de travail avec d'autres chercheurs et d'autres institutions. Notre travail se concentre sur le développement de stratégies et politiques innovatrices qui puissent favoriser la transition vers une société plus soutenable, tant pour l'industrie que pour les gouvernements. Nous sommes actifs dans la plupart des pays européens, en Amérique du Nord et en Asie et travaillons en anglais, allemand et français. L’institut de la Durée est la plus ancienne organisation de conseils en matière de développement durable en Europe.

Bienvenue à l’Institut de la Durée

Depuis sa création en 1982, l’Institut de la Durée (aussi Product-Life Institute, et Institut für ProduktdauerForschung) est une organisation indépendante et virtuelle domiciliée à Geneva, Suisse.

Notre objective est d’ouvrir de nouvelles frontières de développement économique basé sur une économie de fonctionnalité caractérisé par la vente de performance (services garanties) au lieu de la vente de biens, qui internalise tous les coûts de risque et de déchets (cradle to cradle). L’ économie de fonctionnalité est la stratégie la plus compétitive de l’économie circulaire (ou circular economy), basée sur le prolongement de la durée de vie des biens (par le revente de biens, la remise en état de composants et de biens et la mise-à-jour technologique de biens et de systèmes) dans le contexte d’une économie régionale qui vise la création d’emplois locaux, une utilisation intelligente des ressources et la prévention de déchets.

L’économie circulaire s’intègre dans une philosophie plus large qui est la suivante:


Economie circulaire et Économie de Fonctionnalité -
une perspective d’avenir pour un modèle à réinventer

par Professeur Dr. h.c. Walter Stahel

Il y a 100 ans,
la plupart des personnes avaient un accès limité à la mobilité, à la communication, à l’eau courante et aux services sanitaires, à l’éducation, à l’électricité.

Il y avait une pénurie de nourriture, de matériaux, de biens, de vêtements—c'est-à-dire que le prix de ces biens les rendait difficilement accessible étant donné le revenu moyen disponible.

L’économie industrielle de production à grande-échelle, grâce à la spécialisation et aux économies d’échelle, était la meilleure manière de franchir l’obstacle de cette pénurie. La mécanisation a permis à la société de parer au manque de main d’œuvre qualifiée; les machines étant plus efficaces que les personnes dans la production industrielle; les prix des matières premières ont baissée continuellement. Tous ces facteurs ont fait baisser les prix des biens manufacturés.

Aujourd’hui,
beaucoup de pays en développement connaissent encore une pénurie de biens, de nourriture, d’infrastructures, qui peut être comblé de façon efficace par les stratégies de production de l’économie industrielle.

Mais la plupart des habitants des pays industriels ont accès à la mobilité individuelle, à l’eau courante et aux services sanitaires, à la formation, à l’électricité, et aux télécommunications.

Il y a une abondance de matériaux, de biens et de nourriture bon marché basée sur une extraction à grande échelle des matières premières. Mais ce développement crée des quantités importantes de déchets et des coûts de gestion des déchets élevé ainsi que des marchés saturés—presque autant de biens durables sont jetés qu’ils ne sont achetés chaque année (électroménagers, voitures).

Or, la plupart des infrastructures publiques, telles les rues et ponts, les réseaux d’eau et d’égouts, sont délabrées, manquent d’entretien et sont un signe de la non durabilité de ces piliers physiques de notre société.

Dans les pays de l’OCDE, le niveau de sous-emploi très élevé surtout chez les jeunes est accompagné par un endettement public et, depuis 2000, les prix des ressources montent. Ces facteurs remettent en question le modèle de l’économie sur lequel nous avons vécu et vivons encore.

On a donc besoin d’une nouvelle stratégie afin de mieux gérer les stocks de biens et équipements, les infrastructures existantes. Dans des situations de marchés saturés et d’abondance, la priorité est de maintenir les valeurs de stocks (le capital) et d’intégrer systémiquement les innovations techniques dans les stocks—une transition de l’optimisation des flux de production à l’optimisation des stocks.

Une économie circulaire est une économie de sauvegarde qui gère les stocks physiques et crée des cycles vertueux, contrairement à une économie linéaire fondée sur le flux de production et les volumes vendus

La gestion des stocks demande et favorise une attitude de porter soin, de CARING, en cherchant à préserver la qualité, la performance et la valeur du stock existant, de la richesse et du bien-être. Cette approche est à forte densité de travail, les activités sont locales et, pour les biens manufacturés, consomme peu de ressources énergétiques et de matériaux.

Cela comprend assurément le capital manufacturé, tels les bâtiments, l'infrastructure, les équipements et les produits, mais aussi le capital naturel et humain (la santé et le bien-être; le savoir et les compétences); ainsi que le capital culturel et le capital financier. La gestion du stock nécessite des statistiques et métriques permettant de mesurer les variations de la richesse dues aux variations intervenues dans la quantité et qualité du stock. CROISSANCE peut être redéfinie comme une augmentation de la quantité et qualité du stock.

Le PDB est un critère de mesure du flux qui ignore si notre richesse—le stock—a augmenté en fonction du flux. Cette situation a été comparée à une baignoire dans laquelle on ne fait que mesurer l'arrivée d'eau chaude et d'eau froide, mais où ni la qualité ni le niveau de l'eau dans la baignoire ne sont pris en compte (Giarini et Stahel, 1990).

Quant au capital manufacturé—les biens physiques—la gestion de stock se traduit par la réutilisation, la réparation et la remise en état des biens et des composants, une utilisation et des soins d’entretien intelligents du stock, y compris l’adaptation au progrès technologique. Ces modèles d’affaires d’une économie circulaire réduisent les charges environnemental parce qu’ils préservent l’eau, l’énergie et les matières incorporées dans les biens et l’infrastructure (l’énergie grise, l’eau virtuelle). Entretenir le capital manufacturé – CARING - préserve ces investissements et de plus crée un nouveau rapport durable entre les utilisateurs et les biens.

Une économie circulaire est régionale parce que ses activités ne peuvent pas être développées à un moindre coût en Inde ni en Chine; elles doivent être exécutés là où sont les biens et les clients: l’axiome de la plus petite boucle. Bref, une économie circulaire est économe et fait un usage intelligent du travail humain local.

Le recyclage des matériaux qui réutilise les molécules est la dernière et moins viable des options d’une économie circulaire. Il utilise moins de main-d’œuvre, a une profitabilité plus basse, une centralisation plus élevée et ne permet que rarement de préserver l’eau, l’énergie et les matières intégrées dans les matériaux en comparaison avec les petites boucles.

Les conditions-cadre

Les conditions-cadre actuelles sont issues de l’économie du flux de production et privilège celle-ci. Des conditions-cadre adaptées, comme une fiscalité durable, encourageraient la transition à une économie circulaire:

  • Ne pas taxer les ressources renouvelables, y compris le travail,
  • ne pas prélever la taxe à la valeur ajoutée (TVA) aux activités qui conservent la valeur,
  • taxer la consommation des ressources non-renouvelables, et ne pas subventionner leur production et utilisation,
  • utiliser l’approvisionnement public afin de promouvoir des modèles d’affaires novateurs, en achetant de la performance au lieu de produits.

Des conditions-cadre durables augmenteront une résilience sociétale et d’entreprise. Une fiscalité durable aura pour conséquence une rapide expansion, non seulement de l'économie circulaire pour le capital manufacturé (infrastructures, équipements, biens), mais encore de toutes les autres activités économiques fondées sur l'optimisation des stocks et des domaines du ‘porter soin’, tels les services dans le domaine de la santé, l'éducation, l'agriculture organique, qui produit des biens à partir de matériaux renouvelables d'origine locale, notamment le cuir, le bois et la laine, ainsi que le savoir. Porter soin est également le fondement du maintien de notre héritage culturel.

Du travail humain

Le travail humain est la seule ressource qui a une capacité qualitative et créative, qui peux être développé mais qui se détériore si elle n’est pas utilisée. Une tonne de charbon qui reste inexploitée dans la terre pendant dix ans ne se détériore pas; une personne, par contre, peut perdre toutes ses connaissances si on ne l’emploie pas pendant 10 ans.

On devrait donc développer des stratégies pour utiliser intelligemment le stock de capital humain. L’économie circulaire permet de combiner l’utilisation intelligente des stocks de capital humain et manufacturé. La gestion du stock manufacturé requiert aussi des connaissances d’anciennes technologies; elle permet donc de garder ou de réintégrer les «silver workers», les personnes expérimentées, dans le monde du travail (l’OECD les appelle la génération des «60+»).

Garantir la sécurité future des ressources par la vente de performances

The Performance Economy, l’économie de fonctionnalité, est la forme la plus efficace et rentable d’une économie circulaire; en plus elle offre aux fabricants une protection contre la rareté de ressources et l’augmentation du prix des ressources. C’est le modèle le plus rentable parce qu’il tire profit des stratégies d’efficience et de suffisance des ressources et des matières et offre une plus-value aux utilisateurs (clients). En vendant la performance au lieu de vendre les biens, des acteurs économiques retiennent la propriété des biens et des ressources incorporées, les entreprises obtiennent ainsi une sécurité de ressources et augmentent la sécurité nationale de l’accès aux ressources:

Les biens d’aujourd’hui sont les ressources de demain aux prix des ressources d’hier.

La propriété permanente des biens et des matériaux incorporés protège les acteurs économiques aussi contre les effets de nouvelles régulations de ressources (par exemple celle imposée par le Security and Exchange Commission des Etats-Unis) et législations (comme l’accord de 2013 des Nations Unies sur le mercure).

Les acteurs économiques qui retiennent la propriété de leurs biens internalisent les coûtsde risque et de déchets pendant la vie entière des biens. Ils ont donc une forte incitation financier d’appliquer une gestion de risque intégrale (d’éviter des pertes) et une prévention des déchets qui sont absent dans l’économie industrielle.

P.S. Tandis que l’achat des performance de biens physiques ne présente que peu de risques pour les clients, des utilisateurs qui achètent des biens digital en tant que services (services des smart phones, les données stockés dans le « cloud », les photos sur facebook, etc.) s’expose à des risques inconnus et peuvent perdre leur propriété ou leurs droits de propriétés intellectuelles.

Walter R. Stahel, Genève, 26 juin 2013